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Définition de l’oral :
En didactique
des langues, l’oral désigne selon (Charraudeau et Maigneneau, 2002),« le domaine de l’enseignement de la langue
qui comporte l’enseignement de la spécificité de la langue orale et son
apprentissage au moyen d’activités d’écoute et de production conduites à partir
de textes sonores si possible authentiques ».
Nous remarquons
que dans la définition citée ci-dessus l’oral est la pratique de deux
phénomènes, l’écoute de l’autre et la production de parole. Mais l’oral c'est le
langage à travers lequel nous communiquons et qui se distingue de la parole, le
langage est un aspect social, c’est la langue parlée, par contre la parole est
un acte individuel comme l’a montré F. de Saussure., (1980, p : 69).
Il ne faut pas
oublier aussi que l’oral est un moyen de communication, il est la base et le
support de tous les échanges qui se déroulent dans une société ou dans la
classe, entre tous les individus présents ;
élèves et professeur. Selon le groupe Oral Créteil définisse l’oral selon
quatre axes, L’oral pour :
« Communiquer, construire sa personnalité et vivre ensemble,
apprendre ses conceptions, ses représentations et construire sa pensée,
réfléchir sur le langage (la langue est un objet d’enseignement). ».
Nous empruntons la définition de
l’oral de Jean-Marc Coletta (p38)
sous forme d’un schéma car nous pensons qu’elle peut résumer toute la notion de
« l'oral ».
Agir par
la parole
Reformuler
Argumenter
Réfuter
|
Une pensée
Un savoir
Une
identité
Une langue maternelle ou étrangère
|
L’oral c’est
|
Un
discours
Des normes
|
Se
soumettre à des règles
Au
jugement des autres
|
Une
conversation
Un
dialogue
|
La
formation des individus par la confrontation aux autres
|
Ecouter
Des
partenaires
Un langage précis
|
De
communication
Linguistiques
|
A partir de ce schéma nous pouvons
remarquer que l’oral est un ensemble de plusieurs composantes :
Il est tout d’abord une langue
maternelle ou étrangère, c’est aussi une pensée, un savoir, une identité ;
c’est en parlant avec une personne qu’on peut la connaître. L’oral, c’est aussi
agir par la parole, argumenté, reformulé, réfuté, parlé en respectant les normes
de communication et les normes linguistiques.
L’oral, c’est se soumettre à des
règles et aux jugements des autres, c’est une conversation, un dialogue donc un
échange, écouter les autres qui deviennent des partenaires dans la
conversation, mais pour pouvoir discuter, communiquer, ces partenaires doivent
employer un langage précis compréhensible pour tous, un même code de
communication.
2. L’oral en
classe :
Depuis quelques années les didactiques s’intéressent à
l’enseignement et à l’apprentissage de l’oral ; ce qui nous pousse à nous
demander quel oral enseigner en classe de langue sachant qu’il y a plusieurs
types d'oral. La pratique de l’oral en classe peut avoir deux types :
L’oral parlé qui est utilisé dans la parole spontanée ou
plus encore suscitée par l’enseignant, l’autre type de l'oral est l’écrit
oralisé, quand il s’agit de lecture ou des réponses réalisées par écrit par les
élèves c’est ce que nous appelons l'oral mono géré.
L’oral est à la fois vecteur
d’apprentissage et objet d’apprentissage, à ce titre il est éminemment
transversal. Essayons de définir ces deux notions :
a.
L’oral vecteur d’apprentissage :
« Les trois-quarts des échanges scolaire se passent en
échange de parole » Jean François
(p16).
La parole participe à la
construction du savoir, c’est un moyen de transmission, que l’enseignant
utilise pour expliquer, et que l’élève utilise pour répondre aux questions de
l’enseignant, le fait de répondre à l’autre c’est un geste de compréhension du
message émis, ou de demande d’une explication.
L’oral permet aussi de construire sa
pensée, verbaliser et exprimer des idées, donner son point de vue et le
défendre. Prendre la parole c’est aussi construire sa personnalité, parler en
classe c’est s’engager dans son rôle de citoyen dans une petite société qu’est
la classe.
b.
L’oral objet d’apprentissage :
L’oral est aussi une norme que
l’élève doit acquérir, quand on dit norme, on entend par là les aspects
techniques et linguistiques de la langue ainsi que les genres de discours.
L’oral n’est pas seulement le temps de parole des élèves mais aussi le silence,
les gestes, c'est-à-dire le paralangage. Il ne se réduit pas simplement à une
émission sonore c’est aussi l’écoute et le silence tout autant que la parole,
comme le montre si bien Jean François Halté :
« L’oral
ce n’est pas uniquement le temps de parole des élèves : c’est aussi l’écoute,
les attitudes du corps et la gestuelle, c’est la gestion complexe de relations
interindividuelles (…) l’oral c’est en effet l’écoute tout autant que
l’expression, le silence tout autant que la parole, le jeu des regards autant
que celui des mots, c’est aussi la gestion des échanges et de la prise de
parole » (p, 16).
3. La prise
de parole :
La prise de parole constitue un entraînement à l’autonomie, au
respect, une prise en compte des différences qui existent dans une société
entre les gens ; c’est une pratique authentique, démocratique, et la classe de
langue est un lieu social et démocratique. Prendre la parole est une composante
de la vie sociale ayant plusieurs fonctions :
-Une fonction sociale : on prend la parole parce qu'on existe, pour
donner son avis, et le défendre par rapport à l’autre, la famille, la société.
-Une fonction mentale : c’est l’expression de l’activité
intellectuelle.
La parole est de l’ordre de l’échange social, elle met sur scène un
face à face entre les sujets. Dans notre
recherche, nous visons la prise de
parole des élèves, qui peut signifier
aussi, oser parler spontanément sans
manifester une hésitation parce qu'ils ont peur de faire des phrases
incorrectes, se soucier de leurs pertinences, de leurs justesses par rapport à
la norme.
La classe est le lieu privilégié de la parole, la question
principale que nous nous posons est qui
parle ? Par rapport à notre enquête la réponse est claire, mais elle est
inquiétante dans la mesure où l’école, et la classe en particulier, s’intéresse
à l’enfant, à l’élève qui est au centre des apprentissages.
En effet, 70% de temps de parole est monopolisé par l’enseignant,
nous pensons que celui-ci est l'un des obstacles de la prise de parole des
élèves en classe. L’enseignant doit laisser la parole à l’élève, et ce dernier
l’élève doit oser parler.
4.
Les enjeux de la prise de parole :
Il n'est pas aisé de prendre la parole. En effet, pour parler, il
est nécessaire d’avoir quelque chose à dire et souvent les élèves doivent
respecter et suivre les choix de l’enseignant, « qui laisse rarement la place
aux réalités de la vie quotidienne ou à l’imaginaire ». Mais, parler en classe
ce n’est pas dire des sottises, ce n’est pas prendre la parole n’importe
comment et n’importe quand : il y a des règles à respecter. La première est de
donner une réponse dans le cadre du sujet, l’élève doit apprendre à respecter
le sujet proposé. Le deuxième point, est de parler d’une manière claire et
précise parce que le risque de ne pas être entendu est présent. Troisièmement,
l'élève doit apprendre à respecter le tour de parole, il ne doit prendre la
parole que si personne ne parle, il faut que l’élève apprenne à écouter l’autre
pour que les autres l’écoutent aussi, donc l’échange ne se fait pas seulement
en terme de parole, mais aussi le silence partagé est un échange.
La parole de l’élève est très importante en classe que ce soit pour
l’élève ou pour l’enseignant. En effet, comme le souligne Michel Tozzi,
professeur des universités à Montpellier III :
« Notre fonction de professeur n’a de sens que par rapport à
l’élève. La parole de l’élève est comme un baromètre : plus les élèves
demandent la parole, plus le cours est intéressant ».
Se trouver face au silence est pour lui la
pire des frustrations ; face à cette panique, celui-ci préfère le discours et
même des fois un monologue vaut mieux que le
silence qui règne en classe La parole en classe est nécessaire ; elle
est le moyen par lequel l’enseignant transmet le savoir, explique, interroge,
étaye, mais il doit être conscient que l’élève doit parler aussi et même plus
que lui. C’est en prenant la parole qu’on apprend la langue.
En
effet, comme dit Dominique Bucheton
« c’est l’augmentation du volume de l’activité langagière lui-même
qui est le moteur du développement langagier et culturel et pas le discours sur
le langage ». (p, 113).
Quant à Evelyne Charmeux il pense que :
« pouvoir prendre la parole
n’est pas un don, c’est le résultat d’un apprentissage ».(1996, p19).
L’idée de Charmeux complète celle de Bucheton, parce que parler ne
se produit pas sans une pratique langagière régulière. Le silence peut être des
fois nécessaire, il est essentiel de laisser un peu de temps aux élèves pour
qu’ils préparent leurs réponses. Il ressort d’un rapport de l’inspection
générale relatif à l’enseignement de l’oral en France que :
« Le silence apparaît comme le moment où pourrait surgir de
l’inattendu susceptible de désorganiser le déroulement du cours et non comme un
temps de réflexion et de préparation des interventions ».
Contrairement à ce que nous avons remarqué lors de l'analyse de la
première séance de l'activité orale, l'enseignante donne 1 minute de réflexion
aux apprenants, mais dès qu'elle se retrouve face au silence, elle reprend la
parole et interrompt le silence qui peut être est un moment de réflexion. Pour
l’enseignant laisser la parole à l’élève est une perte de temps ; finir le
cours est plus important. Les réponses du questionnaire confirment cette idée.
Or
Oscar Brenifier, affirme quant à lui que pour habituer l'élève à parler, il
faut savoir « perdre du temps », laisser des moments de respiration s’installer
dans la classe.
« nous voulons du compact,
remplir le plus possible….à la seconde
carrée,…..et pour ce faire, nous expliquons, écrivons, lisons, et
lorsque nous posons des questions, les réponses en sont tellement attendues que
nous négligeons, toute parole qui n’est pas conforme, à ce que nous avons en
tête ».(2002, p.16).
Selon Oscar Bernifier, l’enseignant devrait essayer d’écouter son
élève jusqu’à la fin, ne pas mettre l’accent sur les défauts de la parole de
l’élève pour éviter de le bloquer et notamment les autres aussi, l'enseignant
ne doit pas oublier qu'il n'est là que pour diriger, remettre, au besoin, le
locuteur sur la voie.
Parler en classe consiste à répondre aux questions du maître ; la
parole des élèves se limite souvent au jeu de questions- réponses. En classe la situation de communication est
un peu particulière.
L’école traditionnelle est toujours présente, quand l’enseignant
parle, l’élève est obligé de l’écouter, il n’a pas le droit de l’interrompre
jusqu’à la fin de son discours
« Quand le maître parle face au
groupe, l’élève est tenu de lui laisser la Parole, de ne l’interrompre qu’avec
certaines formes (lever le doigt), et Son discours s’inscrit le plus souvent en
creux de celui de l’enseignant ».Michel Verdalhan (2002)
La classe est souvent un endroit où celui qui pose les questions
détient les réponses. La distribution de la parole en classe est perçue comme
étroitement dépendante du maître qui la gère en fonction d’impératifs
pédagogiques. Parler en classe consiste à répondre aux demandes du maître et
les performances orales des élèves sont souvent limitées au jeu de
question-réponse.
Dillon (1999) analysant le mode dominant de questionnements en
classe, donne la même description que celle donnée par Sophie Moirand (Cf.p2),
il la caractérise par le fait que beaucoup d’individus (les élèves) sont
questionnés tous ensemble par une seule personne (le maître).
Dillon identifie ce type d’échange à la récitation ; on demande aux
élèves de dire à haute voix ce qu’ils savent de mémoire, ce qu’ils ont retenu.
Ce mode de faire contient trois phases :
1-Le maître pose une question à toute la classe ;
2-Un élève y répond ;
3-Le maître évalue la réponse et
pose une autre question à toute la classe.
Des séquences de ce genre sont en effet assez peu stimulantes du
point de vue de l’apprentissage. Pour Dillon, elles visent surtout à tester la
mémoire des élèves, s’ils savent ce que le maître leur a enseigné ou ce qu’il
leur a demandé d’apprendre ; c'est ce que l'on pourrait appeler faire réviser
l’élève.
Ce type d’échange n’a pas comme objectif premier de stimuler, de
provoquer la prise de parole et l’apprentissage. Il n’est pas au service de
l’élève, mais bien au contraire à celui du maître, en lui permettant de
vérifier les résultats de son enseignement et en même temps de garder le
contrôle du groupe classe.
Alors que la classe doit être un espace de prise de parole,
d’expression spontanée et de construction de savoirs langagiers. C’est en
parlant que très souvent le premier constat se fait avec l’autre, « parler est
le medium de reconnaissance social »Halté Jean François (p16).La
parole élaborée est synonyme de pouvoir et le fruit d’un savoir. Elle se
construit dans la confrontation avec les autres, dans la reconnaissance de la
parole de l’autre et l’acceptation des différences.
5.
L’Expression Orale :
La compétence d’expression orale présente selon Veltcheff et Hilton
(2003 :124) L’expression orale, qui constitue un objectif fondamental de
l’enseignement des langues étrangères, a connu un grand engouement avec la
méthodologie SGAV, et la Didactique des langues met actuellement la
communication orale au premier plan de ses priorités.
En effet, l’objectif de tout processus d’enseignement/apprentissage
d’une langue étrangère est l’acquisition d’une compétence de communication afin
de rendre les apprenants capables de se débrouiller dans différentes situations
de communication. Cela nécessite de la part des apprenants l’appropriation des
moyens linguistiques et non linguistiques pour agir et réagir de façon
appropriée dans différentes situations de communication.
L’acquisition d’une compétence de communication nécessite
l’acquisition des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être. L’apprenant
développe progressivement des savoirs et des savoir-faire au niveau
linguistique, socioculturel et des stratégies de la communication. l’acquisition
des conduites langagières orales est un processus complexe qui s’inscrit dans
la durée et ne se limite pas à la connaissance de la composante linguistique.
Elle englobe les autres composantes de la compétence communicative
(référentielle, socioculturelle, cognitive, etc.). Négliger ces facteurs peut être
source de blocage pour les apprenants étrangers. Par conséquent, il est
nécessaire de tenir compte de tous ces éléments fondamentaux pour
l’intercompréhension.
L’expression orale est la composante qui pose le plus de problèmes
à certains apprenants mal à l’aise en prenant la parole en classe. Or, la tâche
principale du professeur consiste à faire parler les apprenants, c'est-à-dire à
favoriser cette prise de parole. Il peut alors utiliser des activités ludiques
qui détendent l’atmosphère entre les apprenants. Il peut aussi organiser des
conversations à deux ou à trois qui rendent plus facile le dialogue, la prise
de parole y étant plus aisée que devant l’ensemble de la classe. Il s’agit ici
de sortir de l’interaction enseignant/apprenant en suscitant aussi des interactions
apprenant/apprenant et en créant les conditions d’une communication qui minimisent
(dans la mesure du possible) tout ce qui inhibe la prise de parole devant les autres.
D’un point de vue méthodologique, il s’agit d’encourager les
apprenants à prendre la parole en classe et à valoriser leurs productions :
faire des exposés, jeux de rôle, chants, parler spontanément, lecture à haute
voix, etc. Ainsi les pratiques de classe se diversifient, que ce soit au niveau
de la compréhension ou à celui de la production. On utilise des entretiens, des
simulations qui impliquent des résolutions de problème ou des décisions à
prendre. On utilise aussi les émissions de radio, les courtes informations flashs,
les bulletins météorologiques, le récit, etc. (Marinez, 1996, 91).
Dans ce cadre, la lecture à haute voix ou l’oralisation de l’écrit joue
également un rôle fondamental dans l’acquisition de la compétence d’expression
orale. D’après Vald(2008, 38-39), « la lecture-modèle de l’enseignant permet
de fournir des bases d’apprentissage de la prononciation correcte en langue
étrangère, elle propose une segmentation du texte, segmentation qui va servir
de base à l’explication, elle sert enfin pour les questions d’ancrage pour les
questionnements qui vont suivre ». La lecture présente ainsi un moyen très
intéressant pour un travail sur la langue dans ses différents aspects :
prononciation, prosodie, élocution, compréhension, vocabulaire, discussion, interaction,
analyse, résumé, synthèse, etc.
La lecture à voix haute est un moyen pour les apprenants de
préciser leurs représentations orthographiques et phonologiques des mots. Elle
est considérée comme support à l’apprentissage, à l’évaluation et à la
compréhension du texte. La lecture est ainsi une base de travail assez
pertinente pour travailler différents aspects et fonctions du langage.
Quant à la phonétique, selon Cuq et Gruca, (2003, 175), elle «
ne constitue plus un moment de la classe : elle est intégrée à chaque phase et
est contextualisée ».
L’enseignement de la prononciation a connu aussi un regain
d’intérêt à partir des
années
1990 et toutes les méthodes de FLE comportent des activités de prononciation.
La phonétique reste la base de l’acquisition d’une compétence de
communication et
conditionne
la compréhension et l’expression orales. Dans le domaine de la prononciation,
les apprenants ne sont pas tous sur un plan d’égalité. Il est très important de
corriger certaines erreurs dès le début de l’apprentissage pour qu’elles ne
soient pas ancrées. Certaines techniques de correction phonétiques permettent
d’atténuer ces erreurs de prononciation comme, à titre d’exemple, l’utilisation
des exercices de discrimination auditive. Il est également préférable que
l’enseignant connaisse le système phonique de la langue maternelle des apprenants
afin d’élaborer, au mieux, des exercices adaptés aux particularités de ce système.
Pour certains élèves jordaniens (arabophones), il est difficile de
percevoir la différence entre deux énoncés tels que je voudrais prendre un pain
et je voudrais prendre un bain (confusion [P] vs [b]), le son [P] n’existant
pas dans le système phonétique arabe. Certains apprenants ne repèrent pas
facilement leurs erreurs phonétiques et peuvent être convaincus d’avoir produit
[P] alors qu’ils ont produit un[b]. On doit donc essayer de leur faire
distinguer les deux phonèmes pour ensuite les reproduire. Après avoir analysé
les deux composantes liées à l’enseignement/apprentissage de l’oral en classe
de langue, il nous semble indispensable d’aborder la question de leur évaluation.